Les vannières

Publié le par terre-de-femmes.over-blog.com

 

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Les vannières d'Antsongo.

Antsirabe, août 2011


Antsongo est un quartier populaire d'Antsirabe. Au bord du chemin, la petite maison de Madeleine accueille un atelier de vannerie où travaillent 15 femmes.

Ces femmes ont été formées pour confectionner des chapeaux en raphia, qu'elles vendent sur le marché local à un prix moyen de 3000 Ar (1,15€). Quand le client est trop pauvre, on peut descendre le prix à 2000 Ar.

 

Un chapeau demande 2 jours de travail. Autant dire que ces femmes sont très peu rémunérées, mais elles sont satisfaites car les revenus de cette activité leur permettent d'améliorer un peu leur quotidien, et notamment de financer « l'écolage » des enfants.

 

Antsirabe Antsongo (3) (Small)L'atelier est soutenu par une association caritative française, qui finance la matière première (le raphia et les teintures). Il n'a pas encore de statut juridique, pas même associatif. C'est le cas typique d'une activité du secteur informel.

 

L'avenir de l'atelier ? Ces vannières n'y pensent pas. Elles se contentent de travailler au jour le jour et de vendre leur petite production, tant que ça durera … Elles n'imaginent pas qu'un jour, l'association de soutien pourrait les quitter. Pourtant, certains signent montrent un désengagement progressif de leur mécène, notamment sur le montant de leur rémunération, mais elles ne le voient pas. Leur soucis est plutôt l'approvisionnement de la matière première, qu'elles achètent à un revendeur, mais qui devient difficile à trouver sur le marché local. Tant qu'elles peuvent continuer, elles travaillent, et le jour où adviendra une réelle difficulté, elles aviseront le moment venu. L'anticipation n'est pas de mise dans cette équipe. C'est impossible dans une situation où l'on en est à se demander chaque jour si l'on va avoir assez d'argent pour acheter le riz qui servira à nourrir la famille.

 

Antsirabe Antsongo (4) (Small)Un frein important à la formalisation de l'atelier est le niveau très faible d'éducation de ces femmes. La plupart n'ont suivi que le primaire. Et les responsables un peu plus lettrées ne sont pas en capacité de faire une quelconque démarche administrative. Elles n'ont même pas en main la gestion des fonds envoyés par l'association mécène, qui a préféré les confier à une personne extérieure, assistante sociale.

 

L'atelier n'est pas autonome. Il est beaucoup trop dépendant de son mécène pour tout ce qui concerne les aspects financiers et de gestion, y compris dans les décisions. Personne n'ose prendre d'initiative, ni même faire une suggestion, de peur de perdre leur seul support, indispensable à la survie de l'atelier. Dans ces conditions, il est évident qu'une évolution de l'activité vers une coopérative n'est même pas pensable.

 

 

 

 

Antsirabe Antsongo (14) (Small)

 

 

 

L'association SOAMIRAY et la maison de la vannerie d'Ambohimahamasina.

Ambohimahamasina, septembre 2011


Soamiray (3) (Small)

La création de Soamiray a été appuyée par l'ONG malgache Ny Tanintsika, qui intervient sur des projets de développement durable, entre autres sur la promotion et le développement d'activités génératrices de revenus liées à l'environnement. Ainsi, la vannerie fait appel à la culture du jonc, qui peut être une alternative à la culture du riz, ou tout au moins favoriser la diversification des cultures agricoles.

 

L'association fait travailler aujourd'hui 144 femmes, dans 15 ateliers villageois, situés pour le plus loin à 6 km de la commune centre, Ambohimahamasina. Là, se trouve la maison de la vannerie, un bel établissement, tout neuf, qui abrite un stock de matières premières (joncs, raphia...) et une salle d'exposition – boutique. La maison peut également héberger des groupes en dortoir, jusqu'à 20 personnes. Ceci pour lui assurer des revenus complémentaires aux ventes de vannerie, et pour participer à un projet de développement local, mené par une association d'éco-tourisme, FIZAM, qui propose des circuits découverte des environs et des hébergements chez l'habitant.

 

Tolongoa (1)

Les femmes de Soamiray ont bénéficié de formations pour améliorer la qualité de leurs produits, et même créer des modèles modernes et attractifs, qui sortent un peu de l'ordinaire. Le catalogue des produits est assez varié : de la bonbonnière au panier, en passant par les portes-monnaie, les sacs de ville et les sandales.

Les vannières d'Ambohimahamasina tressent 2 sortent de joncs, le forona et le vinda, qui sont cultivés au niveau local, dans le but de maîtriser toute la chaîne du produit depuis la matière première jusqu'à la vente du produit fini (projet intégré). L'autre avantage est la ressource que cela procure aux maris, propriétaires des parcelles où sont cultivés les joncs. Ceux-ci acceptent ainsi que leurs femmes travaillent, ce qui n'était pas le cas au départ du projet.

 

 

Soamiray (4) (Small)

Soamiray existe depuis 2006, mais après 5 années de fonctionnement, elle a encore besoin de l'appui de l'ONG, notamment sur sa structuration, son changement de statut en coopérative et tout ce que cela implique en terme de professionnalisation, notamment au plan des procédures et de la gestion... c'est là son point de fragilité.

 

Ici encore, le niveau de scolarisation des femmes est très faible. Les notions de gestion financière sont alors difficiles à comprendre, encore plus à assimiler. De plus, l'entrepreunariat est une autre culture, pour ces femmes habituées à vendre leurs ouvrages sur le marché local, sans se soucier d'une quelconque formalisation.

 

D'autre part, la vie associative est compliquée à faire respecter. mais l'appât du gain prend souvent le dessus, et des conflits de pouvoir ou d'intérêts voient le jour dès lors que se profile une perspective de gagner de l'argent.

 

Soamiray (2) (Small)

Grâce aux financements externes et à un appui technique important, Soamiray a maintenant les moyens de produire et de vendre mieux. Les femmes, qui travaillaient jusqu'à présent chez elles, dans des conditions précaires, peuvent se regrouper dans les ateliers construits dans chaque village spécialement pour la production. La mise en place des ateliers devrait favoriser l'esprit collectif, mais aussi permettre d'assurer une certaine homogénéité dans la qualité de la production.

De plus, une boutique bien placée, près du marché, a été ouverte à Ambalavao, la ville la plus importante de la zone, et ville de passage pour les touristes. L'association espère ainsi vendre plus... dans la mesure où les étagères de la boutique sont assez fournies, ce qui n'est pas encore le cas.

 

Car en l'absence de commandes importantes, la production est irrégulière, et pas très motivée. Le principal client et partenaire (il a financé des formations), un grossiste de Tananarive, ne commande pratiquement plus : phénomène « crise » ou insatisfaction qui l'a fait partir à la concurrence ?

De plus, il y a une réalité qui fait se demander si cette activité pourra un jour devenir principale pour ces femmes : celles-ci sont occupées dans les rizières dès le mois de novembre, jusqu'en mars. Autrement dit, leur capacité de production se réduit considérablement pendant 5 mois de l'année. Cette contrainte incontournable va par conséquent exiger une très bonne organisation pour pouvoir répondre aux commandes en nombre, si cela se présente à nouveau, ce que l'on espère... et surtout pour tenir un rythme de production nécessaire au paiement des charges de la maison ainsi que de la rémunération des 2 salariées de l'association. A ce jour, cette nouvelle donnée ne semble pas intégrée.

 

 

Ambalavao marché du mercredi (5) (Small)

En règle générale, l'accompagnement d'un tel projet par une ONG est prévu sur 3 ans, délais pour que le projet gagne son autonomie. Or, l'on constate ici que 5 ans de soutien n'ont pas suffit. Les rémunérations sont encore très faibles, la production irrégulière, la démarche commerciale inexistante, et les principes de gestion non maîtrisés.

Il faudra certainement 5 ans de plus pour asseoir le projet et assurer sa pérennité. Si Ny Tanintsika et l'autre ONG locale qui co-finance le projet se désengagent aujourd'hui, il est fort probable que la coopérative ne voit jamais le jour, et que tout l'investissement réalisé ne serve pas à grand chose. Avec le risque d'un retour en arrière : les femmes se contenteront de continuer à réaliser leurs articles de vannerie à leur rythme, jusqu'à épuisement des stocks et du fonds de roulement apporté par l'ONG. Comme il n'est pas sûr qu'elles pourront tenir la boutique, elles vendront leur vannerie au marché du lundi à Ambohimahamasina, pour gagner quelques sous complémentaires à leur revenu familial ... comme avant... Fatalité ?

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C
<br /> Bonjour sabine,<br /> Sympa de te voir en photo pour présenter la production locale ! Jolie photo en plus :)<br /> Je retiens souvent de tes articles le côté "fataliste" des ouvrières et entrepreneurs locaux ... On se demande si ça peut bouger sans mécène ou ONG ...<br /> Peut-on généraliser et en tirer des conclusions (mais des pistes aussi !) pour faire autrement dans l'avenir ?<br /> Il y a si longtemps, me semble-t-il, que les Occidentaux font de "l'humanitaire", sans progrès spectaculaires (me semble-t-il aussi, vu d'ici ...).<br /> Merci Sabine pour tes articles.<br /> Amitiés de France :)<br /> <br /> <br />
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