Les brodeuses des "Hautes-Terres", activité en péril ?

Publié le par terre-de-femmes.over-blog.com

Antsirabe, Juillet 2011

 

Les hautes terres (1) (Small)L'entreprise familiale « Les Hautes-Terres » a été créée il y a 16 ans par un couple franco-malgache, bénévoles de l'association Caritas. Dans le cadre de leur bénévolat, ceux-ci côtoyaient de nombreux artisans. Ils eurent alors l'idée de monter un espace d'exposition pour valoriser l'artisanat d'Antsirabe, station thermale située à 169 km au sud de la capitale, réputée pour le nombre et la qualité de ses artisans. Un groupement d'artisans fut alors créé, nommé G2A.

Outre le « show room » qui devint indépendant, le projet des Hautes-Terres a démarré par l'organisation de circuits touristiques en calèche intégrant la visite des artisans locaux et finissant autour d'une table d'hôtes. Pour compléter, un atelier de broderie fut créé, bénéficiant à des femmes défavorisées, et dont les articles confectionnés étaient vendus à l'issue du circuit. Cet atelier faisait travailler 25 personnes, et l'activité prit de l'ampleur.

 

En 1996, une commande professionnelle importante décida les responsables des Hautes-Terres à concentrer leur projet sur la broderie. L'activité s'est alors développée, parvenant à employer 70 personnes. Les ateliers investirent 2 étages de la superbe maison familiale, juchée sur la colline dominant les thermes et le lac.

 

Les hautes terres (2) (Small)L'activité enregistra une bonne croissance, avec une production de grande qualité, et des clients exclusivement étrangers (surtout français), dont 3 professionnels et plusieurs particuliers. Certains clients commandèrent jusqu'à 7000 pièces de différents articles (sacs à sacs, vêtements, nappes, trousses, ...)

Malheureusement, en 2009, quand le pays était lui-même en proie à une grave crise politique, l'entreprise perdit son plus gros client (lien de cause à effet ?), mettant en péril toute la structure et ses employés.

Un licenciement de masse a du être opéré début 2011, de plus de la moitié du personnel (proportionnellement à la perte). Il reste aujourd'hui 30 salariés, dont la grande majorité de femmes.

Il y a 3 mois, l'entreprise fut au bord de la liquidation. Mais l'une des employées, présente depuis le démarrage de l'entreprise, proposa la reprise par les salariés. Les 3 autres cadres préférèrent finalement quitter l'entreprise et c'est la courageuse Mme Lanto qui reprit les rennes des Hautes-Terres avec son mari (et 60% des parts). 

Concernant le statut de l'entreprise, il n'est pas exclu que le capital s'ouvre à l'ensemble des salariés. Dans ces cas, il sera opportun de réfléchir, pourquoi pas, à une évolution du statut en coopérative.

La production est maintenue grâce à une commande « providentielle », mais pour combien de temps encore ? La situation reste très fragile.

 

Les hautes terres (3) (Small)L'une des causes de cette situation est que l'entreprise n'a jamais mis en place de politique commerciale. Elle s'est contentée toutes ces années du « bouche à oreille », qui fonctionnait très bien. Des bénévoles assuraient la communication et la commercialisation. Mais à ce niveau de développement, la limite a été atteinte. Les responsables ont manqué de vigilance quant à la chute de l'activité, et faute de stratégie, et probablement de savoir-faire, n'ont pas su réagir.

 

Pourtant, cette entreprise mérite d'être soutenue, car elle a une réelle politique sociale. Elle emploie des femmes issues des couches les plus défavorisées, dont plus de 80% élèvent seules leurs enfants. Elle offre une couverture sociale à ses employés, et la cantine. Concernant la rémunération, elle a mis en place des éléments de motivation : la rémunération des ouvrières est de 30% supérieure au Smic (sur une base de rémunération à la pièce) et les responsables d'équipes ont des primes de production.

Une bonne moitié des employés restants, suite au licenciement, est présente depuis la création de l'entreprise, signe qu'il y règne une bonne atmosphère et de bonnes conditions de travail.

Enfin, l'entreprise est implantée dans le tissu économique « formel » d'Antsirabe, et de plus, permet de faire travailler d'autres femmes dans l'usine de tissage de coton voisine où elle achète sa matière première.

 

Les hautes terres (4) (Small)

La « stratégie de sortie de crise » qu'a décidé d'adopter la nouvelle gérante porte précisément sur une action commerciale de choc. Consciente que le bouche à oreille ne suffit plus, elle cherche activement des commerciaux qui pourront trouver rapidement de nouveaux clients. Elle fait jouer pour cela son réseau personnel (elle a fait ses études en France... ça aide). 

Mme Lanto a la volonté de redresser cette entreprise, pour le bénéfice des salariées, auxquelles elle pense en premier. Souhaitons qu'elle y parvienne.

 

La leçon à tirer de cette histoire est que tout projet, quel qu'il soit, même et surtout s'il a une vocation sociale, doit être construit sur des bases solides et se doit d'être dirigé de manière professionnelle, surtout lorsque des emplois sont en jeu. On ne peut présumer de tout, mais si l'on assure un minimum ses arrières, on peut limiter les risques de chute. M. Rafano (cf. Equimada) nous dira qu'il faut pour cela une « vision », et bien sûr mettre en place une démarche commerciale professionnelle. C'est encore une fois sur ce point que l'on trouve la faiblesse de l'entreprise, pourtant inscrite dans le secteur « formel ».

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C
<br /> Ton article confirme cette réalité économique = il faut assurer "ses arrières" quand tout va bien.<br /> Un seul gros client ou des commandes qui rentrent sans "efforts" = danger à moyen ou long terme !<br /> Tes articles sont toujours aussi intéressants :))<br /> <br /> <br />
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