Les huiles essentielles d'Equimada

Publié le par terre-de-femmes.over-blog.com

Equimada (3) (Small)

Vinaninkarena, juillet 2011.

 

Exception à la règle : la coopérative n'est pas née d'une initiative féminine, et ne vise pas non plus un public exclusivement féminin, mais le projet m'a paru vraiment intéressant. D'autant que les femmes sont tout de même concernées car les petits producteurs travaillent en famille, et les décisions se prennent en couple. 

 

« Equi », comme équitable, « Mada » comme Madagascar. La coopérative Equimada est une initiative 100% malgache, qui souhaite commercialiser ses huiles essentielles au label « bio » par le canal du commerce équitable. La coopérative est inscrite dans des réseaux nationaux (Agribio, ANCESM, groupements de paysans), sans négliger  cependant les partenariats internationaux (Nature et Progrès, associations françaises, programme Madacraft...).

 

Equimada (5) (Small)A l'origine du projet, M. Naina Rafanomezantsoa, ingénieur agronome. Il a fabriqué lui même son alambic, sur mesure, à partir de matériaux de récupération. Cet ingénieux ingénieur, qui a longtemps travaillé avec le PNUD, le BIT et autres organismes internationaux sur des programmes de développement agricole, a voulu créer une structure privée impliquant les fournisseurs de matières premières (les plantes aromatiques), et dont les retombées reviendraient directement à la population villageoise.

 

Car M. Rafano a une conviction : il faut passer par l'économie pour résoudre le problème social. De plus, l'initiative économique privée devrait contribuer à réduire la culture de mendicité. « Trade not aid », voici son leitmotiv.

L'objectif final d'Equimada est ainsi de contribuer à élever le niveau de vie des petits paysans tout en améliorant la qualité nutritionnelle des cultures. 

 

EquimadaAujourd'hui, les 6000 flacons vendus annuellement permettent aux producteurs d'obtenir un revenu moyen de 100 000 Ariary (40€), avec 2 récoltes par an, décembre et avril. C'est très peu, mais il faut dire que les exploitations familiales sont en général de très petite taille (2 à 5 ares). Il s'agit donc pour les familles,  sans toucher aux parcelles qui servent à leur auto-suffisance alimentaire, de remplacer la vente des cultures vivrières de complément par la vente des plantes aromatiques, à meilleure valeur ajoutée que celle des légumes (le kg de carottes est à 200 Ar ; il faut 100 kg de feuilles de Ravintsara pour extraire 1 litre d'huile essentielle).

 

L'activité de distillation a commencé en 2002, et la coopérative a été créée en 2006, sans réelle gestion collective pour le moment. Mais chaque chose en son temps, 2011 doit justement être l'année charnière de réorganisation et de consolidation.

En effet, l'ambition d'Equimada n'est pas seulement de distiller et commercialiser des huiles essentielles. Conformément aux convictions de M. Rafano, le projet se place dans une perspective de développement local, qui se traduit par :

-         L'implication des producteurs dans la coopérative, c'est à dire une participation dans la vie quotidienne de l'activité et dans les décisions. Equimada travaille avec environ 300 petits producteurs, dont 100 sur les hauts plateaux, qui fournissent la matière première. Grâce à eux, Equimada transforme déjà plus de 10 essences dont ravinstara, géranium, citronnelle, Ylang-Ylang, girofle, cannelle, vanille (les 4 dernières proviennent de la côte est, tandis que le Ravintsara et le géranium sont cultivés sur les hauts plateaux). 

-         Une action de reboisement : l'objectif est de planter 10 000 arbres par an, sur la base du slogan « 1 flacon vendu, 1 arbre planté ». Cette action est menée en collaboration avec l'association française « Coeur de forêt » (cf. leur site www.). Elle est bienvenue et indispensable, car Madagascar est un véritable désastre écologique. Les forêts disparaissent à grande vitesse : seulement 10 hectares sont reboisés pour 40 hectares décimés. Les coupes sauvages et le commerce illégal de bois de rose, qui ont défrayé la chronique, font un peu bouger les choses par une tentative de régularisation de la coupe de bois. Mais l'ampleur des dégâts est telle qu'au rythme actuel, il faudra plusieurs générations pour redonner belle allure aux collines de Madagascar et surtout éviter que l'île ne s'enfonce irrémédiablement dans l'eau.

-         Un projet d'aménagement de l'espace de 6 hectares acquis par la coopérative dans un petit village des hauts plateaux, à 10km au sud d'Antsirabe. Il est prévu un local pour la distillerie, des plantations des diverses espèces végétales utilisées pour les huiles essentielles, un jardin botanique et un campement aménagé pour les touristes de passage (bungalows en brique traditionnelle). Les plans sont faits, y a plus qu'à...

-         Un projet de tourisme solidaire : organisation de circuits pédestres passant par les plantations, les lacs et les villages des hauts plateaux, avec logement chez l'habitant dans des maisons traditionnelles  ou au campement de la coopérative. Le logement chez l'habitant n'est pas encore d'usage, les populations rurales sont méfiantes vis-à-vis du « vaza », l'étranger voleur d'organes, et il y a beaucoup de « fady », c'est à dire d'interdits sur les comportements ou les lieux sacrés. Mais M. Rafano est confiant, il suffit de faire les choses petit à petit, en restant à l'écoute des villageois, et en trouvant quelques bonnes volontés chez les jeunes générations, sans doute plus enclines à expérimenter.

 

Equimada (1) (Small)

Il est vrai que pour le moment, l'entreprise repose sur la personnalité d'un homme, mais celui-ci  ne désespère pas d'y associer très bientôt les producteurs et leurs familles. Et il y arrivera, à coup sûr. Rendez-vous dans 10 ans ?...

Publié dans Chroniques Madagascar

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C
<br /> Plein d'espoirs dans ce projet :)<br /> Merci pour ce bel article !<br /> <br /> <br />
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