Une semaine au village de brousse de Kouli

Publié le par terre-de-femmes.over-blog.com

Avec l'association KOULI KANA, « les femmes de Kouli ».Kouli---pileuses.JPG

 

Vendredi 4 – samedi 12 février 2011.

 

Je rejoins chez la famille Bouyain, initiatrice de l'association Kouli Kana, les autres personnes avec qui je vais partager cette semaine dans le village de Kouli, en pleine brousse : les 2 responsables de l'antenne de Kouli Kana Lyon (mère et fille), venues entre autre pour l'inauguration de la nouvelle pompe financée par une entreprise lyonnaise, ainsi que 2 autres jeunes femmes, une animatrice et une étudiante qui prépare l'écriture de son mémoire sur le Sida... tout un programme.

 

Nos motivations sont différentes, mais nous sommes toutes autant motivées pour aller vivre une semaine avec les habitants du village, afin de nous rendre compte par nous mêmes de leurs conditions de vie, et évaluer les projets qui seraient à mettre en place pour les améliorer.

 

Le site de l'association présentait un projet de maraîchage, qui serait mené par les femmes. C'est ce qui m'a motivé à contacter l'association. Ce projet est bien sûr nécessaire pour apporter une plus grande diversité dans l'alimentation et parvenir ainsi à combler certaines carences alimentaires. Tout le monde en est convaincu, mais... le dossier monté pour obtenir une aide financière auprès du CCFD n'a pas été retenu. Faute de fonds, depuis 2008, rien n'a été entrepris.

 

D'autre part, nous constatons que la digue, construite par les habitants, a été emportée par la crue il y a 2 ans. Pas assez solide pour résister à la force de l'eau, elle n'a pas été reconstruite, comme si les habitants n'y croyaient plus. Les puits et les pompes servent à l'approvisionnement en eau pour son usage quotidien, domestique, mais sans retenue d'eau supplémentaire, il est difficile d'envisager l'irrigation d'un champ maraîcher.

 

Et puis il semble y avoir d'autres urgences à traiter, médicales d'abord : le 1er centre de santé, avec maternité, est à 10 ou 12 km, soit à plus de 2 heures de marche du village. Les femmes ont le temps d'accoucher en chemin... elles accouchent d'ailleurs plutôt chez elles. Chaque village dispose ainsi d'une accoucheuse, qui intervient avec les moyens du bord, c'est à dire pas grand-chose.


Rendez-vous-sous-le-manguier.JPGKouli n'a pas non plus d'agent de santé. Nazaire Bouyain, enfant du village devenu ophtalmo grâce à son courage et sa ténacité, vient régulièrement faire des consultations et tente de soulager les maux de ses concitoyens, autant qu'il le peut. Lui aussi se retrouve souvent impuissant faute de médicaments.

 

Ensuite, il s'agit de lutter contre la malnutrition. A ce sujet, il existe une plante, le Moringa, pleine de vertus. Entre autre, elle aurait des propriétés nutritives très importantes, et ses graines peuvent purifier l'eau. C'est la plante miracle ! En plus, elle pousse très vite, mais pour la cultiver... outre les conditions de faisabilité technique et les sous pour démarrer le projet, il faut de l'eau, bien sûr...

 

Le problème de l'approvisionnement en eau reste donc au cœur du problème. Les responsables de Kouli Kana sont convaincus qu'il faut remonter la digue, solidement. Pour cela, ils ont besoin de l'aide d'un ingénieur, et des bras, qui ne manquent pas à Kouli. Mais le temps presse, la digue doit être montée avant les pluies qui démarrent mi-mai. Le délai semble court au rythme où va le village... il faut convaincre les habitants de son utilité, puis sortir les hommes de leur torpeur, et tordre le cou à la fatalité. Ca, ce sera sans doute le plus difficile. Alors l'an prochain, peut-être ?...

 

La notion de projet semble abstraite pour les habitants de Kouli, qui se posent chaque jour la question de savoir s'ils auront assez à manger. Leur projection dans le temps se réduit à quelques jours. Alors comment leur faire imaginer une parcelle de Moringas ou un jardin maraîcher ? 

D'autre part, ils attendent beaucoup (trop ?) des « nassaras », les blancs. Juste retour des choses ?... Alors leur temps devient le notre, celui de monter des dossiers et de récolter des fonds, puis de trouver des volontaires qui acceptent de venir superviser les projets, bénévolement, et enfin de suivre chaque année leur évolution. Car les vieilles habitudes reviennent vite au galop, et l'on constate malheureusement que les projets si bons soient-ils ont tendance à perdre de l'élan, voire sont abandonnés, si un élément moteur extérieur ne redonne pas l'impulsion régulièrement.

 Kouli concession 4 (Small)

 

 

A Kouli, en cette saison, le temps semble comme suspendu. Les mêmes gestes sont répétés inlassablement par les femmes: piler matin et soir, aller chercher l'eau au puits, aller chercher le bois, préparer le feu, faire le Tô, balayer la cour de la concession, donner le sein aux bébés... pas de répit pour les femmes. Et les hommes ? Ils s'occupent de donner à manger des termites aux poules et ils tuent le temps en buvant le « dolo », la bière locale... préparée par leurs femmes.


Et au milieu de tout ça, des myriades d'enfants qui jouent comme des enfants, quand ils ne vont pas à l'école.

 

 KOULI à l'ombre de l'arbre

 

KOULI enfantsA Kouli, il n'y a pas assez de classes. Les CP1 sont plus de 60 ! Alors les enfants en age d'aller à l'école sont désignés une année sur 2. Si bien que certains ne seront pas scolarisés. Que leur reste-t-il ? Aider les mères aux tâches ménagères pour les filles, dès leur plus jeune âge, et... l'oisiveté pour les garçons. Or l'évolution passe aussi par l'éducation...

 

  

 

 

 

 

 

 

Karité 4Mardi et mercredi,

Au moment de la sieste, alors que la nature somnole elle aussi, mes oreilles sont attirées par un rythme de pilage soutenu, un peu plus loin, devant une autre concession, où un groupe d'une dizaine de femmes semble bien animé. Je m'éclipse pour aller voir ce qu'elles font. 

Une grande partie de cet après-midi et la matinée du lendemain, j'assisterai à la fabrication de l'huile de karité, en l'honneur de la naissance d'un enfant. 2 ou 3 femmes iront à la maternité et en échange de l'huile, elles feront un bon festin !

 

Karite-5.JPG


 La préparation se fait dans la joie et la bonne humeur, les femmes se succédant dans toutes les étapes du processus, 3 par 3 pour le pilage, l'écrasage à la pierre et le battage du beurre.


Tout est travail de force. Certaines s'activent avec leur bébé accroché au dos, qui ne paraissent pas perturbés pour autant par les secousses qu'ils reçoivent. Au contraire, ça à l'air de les bercer.

 


Karite-8.JPG

Une fois le beurre battu, les femmes s'accordent une trêve et trinquent avec le dolo et l'eau de vie maison. L'ambiance chauffe !

C'est l'occasion pour moi de partager de très bons moments avec ces femmes, gaies et festives malgré leur vie dure. J'ai testé le pilage, mais pas osé battre le beurre de peur de le faire tourner ! Cela demande une sacrée technique et de l'énergie, dans une posture peu conseillée aux femmes sujettes aux lumbagos...


Plus rien ne m'échappe maintenant dans la fabrication artisanale du beurre de karité !


Je constate cependant avec dépit qu'aucun revenu ne sera tiré de ce travail de forçat, puisque tout est pour offrir. Et les calculs font peur si l'on réfléchit à la possibilité d'une activité économique qui pourrait émerger de ce savoir-faire : pas moins de 16 heures de travail au total effectué par 8 à 10 personnes pour obtenir … 5 litres d'huile !

 Karite-12.JPG


 

 Samedi,  

 Notre séjour à Kouli se clôture par l'inauguration de la pompe, qui économisera quelques kilomètres à pied aux femmes de Kouli, pour aller chercher l'eau potable. A cet endroit, la pompe devraient pouvoir fournir de l'eau pour les 50 prochaines années. Dieu nous entende !...

Kouli porteuses d'eau 
 

 

Publié dans Chroniques Afrique

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