Les âmes joyeuses

Publié le par terre-de-femmes.over-blog.com

Ames joyeuses (1)Xela-Nebaj, Guatemala, janvier-mars 2013

 

Dans la culture maya, on pleure les morts, les enterrements donnent même lieu à des lamentations à la limite de l'exagération. Mais on les fête, aussi.

 

Il y a trois semaines, Nazario est mort... mais le lendemain de l'annonce de son décès, il a ressuscité !Finalement, il s'est décidé à trépasser la semaine suivante... Après que le cercueil ait fait 7 fois le tour de la maison du défunt, et fait une halte devant chaque maison de ses enfants, avec force prières et pleurs, la famille a entamé une longue procession pour se diriger vers le cimetière. Les familles font parfois des kilomètres à pied pour accompagner le défunt dans sa dernière demeure. Selon les moyens financiers de la famille, une file de « pick-up » accompagne le cortège, avec en tête, au mieux une fanfare in vivo avec musiciens sur leur trente-et-un et chanteur nostalgique, au pire une bande sonore poussée à plein tube, comme toute musique ici.

Ces cortèges ont un petit air Malgache, à la différence qu'on ne danse pas en bringuebalant le cercueil dans tous les sens.

 

Ames joyeuses (7)Au cimetière, les familles viennent très souvent visiter leurs morts. Elles apportent des fleurs aux couleurs bien vives. Elles s'installent tranquillement sur la tombe, pendant que les enfants jouent autour à grands cris, et que les femmes sortent de leurs pagnes tissés nourriture et sodas, qui seront mangées et bus à même la tombe... les déchets alimentaires et plastiques jetés par terre, laissés aux chiens et au poules.

On apporte aussi des bougies, élément précieux dans les oraisons mayas. Au cimetière de Nebaj, des abris enfumés accueillent les familles qui récitent des prières en langue maya, le chef de famille faisant tourner les bougies tout en psalmodiant, puis les posant une à une au sol, dans un ordre bien établi, devant une série de croix en bois. Ailleurs, plus simplement, les oraisons se font sur la tombe, ou devant une petite cage enserrée dans un mur, qui abrite un médaillon, des objets et quelques fleurs.

 

Ames joyeuses (5)Le jour de la Toussaint, la visite aux défunts est une vraie fête. On apporte victuailles, boissons gazéifiées et surtout alcoolisées, on chante au rythme de la fanfare ou de l'accordéon, du point du jour à la tombée de la nuit.

On en profite pour nettoyer, repeindre et refleurir la tombe.

D'autre part, avant de partir au cimetière, la maîtresse de maison prend le soin de laisser sur la table de la cuisine un repas, car il est dit que le défunt profite de ce jour pour revenir visiter sa maison. Rassasié, il peut ainsi retourner dans sa tombe, l'âme en paix, et continuer à protéger sa famille.

 

Ames joyeuses (8)Ainsi, les morts ont de quoi se réjouir de l'ambiance hédoniste qui règne sur leur tombe. Et à l'image de ces visites festives, des tombes et des croix peintes de toutes les couleurs, comme les maisons, mes marchés, les vêtements traditionnels. Le Guatemala est un pays haut en couleurs !

Même si les petites croix de bois anonymes bien alignées, plantées à même la terre, dans certains cimetières des hauts plateaux, rappellent les horreurs de la guerre civile, l'atmosphère n'est pas du tout morose dans ces lieux, plutôt joyeuse au contraire.

 

Leur situation sur les hauteurs des villes et des villages, d'où la vue est souvent magnifique, et la disposition anarchique de leurs tombes en Technicolor, confèrent aux cimetières guatémaltèques un charme tout particulier, leur donne de la vie.

Ames joyeuses (9)

Publié dans Chroniques Amériques

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