Un trek au Sanctuaire des Annapurnas
Pokhara, 1-9 novembre 2011
Merci à Laxmi, ma compagne de route.
Se rapprocher des plus hautes montagnes du monde...
C'est ici, dans les années 50, qu'Herzog, Lachenal et leur équipée ont gravi pour la 1ère fois les plus hauts sommets Himalayens, avant l'Everest, alors que le Népal était encore un pays fermé au tourisme.
C'est ici qu'après la tentative d'une expédition d'atteindre le sommet du magnifique et impressionnant Machhapuchhare, qui s'est dramatiquement terminée, cette montagne a été considérée depuis comme sacrée et interdite d'accès aux alpinistes.
Du mythe...
Le nom du Sanctuaire a été donné par la première expédition menée par Jimmy Roberts (appelé le père du trekking), en 1956. Un nom approprié quand on sait que le lieu, après sa découverte, a été considéré comme sacré par les Gurungs, population de cette région. Pour renforcer son caractère sacré, les anciens du village de Chomrong ont érigé une règle : avant toute expédition, 50 œufs doivent être déposés dans un coin des gorges de la Modi Khola (rivière), en vue d'apaiser la déesse qui y réside. Il est dit aussi que le Dieu Shiva habite sur les nuages qui entourent les pics du Machhapuchhare.
… au tourisme de masse
Le camp de base des Annapurnas est désormais accessible aux randonneurs, avec tout au long du chemin de nombreuses possibilités de logement en « lodges », tout confort, c'est à dire un lit avec matelas, oreiller, drap et couverture, une douche chaude presque tous les soirs et une carte de menus étonnante de diversité ! Que demander de plus ?
Ainsi, ce sont des centaines voire des milliers de marcheurs qui se rendent à l'«ABC» chaque année, à l'automne ou au printemps, pour admirer le somptueux panorama à 360° sur la dizaine de sommets alentours : Hiun Chuli (6441m), Dakshin ou Annapurna South (7219m), Bhara Shikhar ou Annapurna Fang (7647m), Annapurna I (8091m), Khangsar Kang ou roc noir (7485m), Singu Chuli (6501m), Tharpu Chuli (5695m), Gangapurna (7454m), Annapurna III (7555m), Gandharwa Chuli (6248m) et Machhapuchhare (6997m).
Des paysages variés et contrastés
Le départ s'effectue dans la vallée, où la vie villageoise bât son plein. C'est le temps des moissons, les femmes s'activent, courbées en deux dans les champs de riz et de millet accrochés à flanc de montagne. Les cultures en terrasses s'étendent à perte de vue. Le sésame apporte une touche de pourpre, rompant avec la monotonie des champs de riz. Les courbes et les couleurs pourraient inspirer les peintres.
Au fil de la montée, l'on pénètre dans la « jungle », forêt tropicale humide, qui domine les gorges profondes de la magnifique rivière Modi Khola aux eaux turquoises.
Le contraste se fait plus fort encore lorsque l'on gagne en altitude. Là, prédomine le caractère ascétique de la haute montagne, minérale, froide voire austère, avec ses pics enneigés.
Un climat changeant et incertain
Je mesure la difficulté et la véritable aventure qu'ont du vivre les premières expéditions, non seulement pour se frayer un chemin à travers la jungle au terrain boueux et glissant, infesté de sangsues, mais également pour avancer dans l'incertitude climatique qui caractérise cette région.
Ici, le temps est imprévisible. En règle général en montagne, il est toujours préférable de marcher le matin, car l'après-midi se gâte rapidement. Cela s'avère complètement vrai pour le cas présent. En effet, si le ciel se trouve par chance complètement dégagé, le brouillard peut envahir la vallée, puis monter vers les sommets, en quelques minutes seulement, sans signe avant coureur.
La prudence est de mise. La moindre éclaircie est porteuse à la fois d'espoir et de crainte : combien de temps va-t-elle durer ?
Un terrain difficile et parfois acrobatique
Passerelles et petits ponts de bois, plus ou moins solides, qui enjambent des multitudes de guets, chemins en bord de précipice...
Des milliers marches, construites avec de grosses dalles de granit, qui montent et qui descendent sur des pentes à plus de 45°... Les genoux manifestent. Pour les soulager, imitons les porteurs qui descendent ces escaliers en courant. Dans les montées, le souffle est court et saccadé. Le poids du sac se fait sentir.
Sur les zones moins équipées, les pentes sont glissantes, boueuses et pleines de sangsues après les pluies.
Une progression dans l'espoir et le doute
3 jours déjà de marche dans le mauvais temps, la vallée prise dans le brouillard et le crachin. D'après le guide, on devrait avoir déjà une vue splendide sur l'Annapurna Sud, le Hiun Chuli, le Machhapuchhare et jusqu'à l'Annapurna III...
Dans un moment furtif, le Machhapuchhare laisse entrevoir une toute petite partie de son sommet, très vite cachée à nouveau par le nuage.
Les tea-houses affichent des noms qui font rêver, juste rêver : « Heaven View Point », « Excellent view lodge », « Machhapuchhare View Hotel », « Splendid View Restaurant »...
4ème jour, le Camp de Base du Machhapuchhare. Verrons-nous enfin les montagnes ? Qui sait ce qui nous attend là-haut ? Dans le doute, se résigner, marcher quand-même, y aller quand-même, apprendre à recevoir de la nature ce qu'elle veut bien nous offrir.
MBC, nous y sommes : le froid et la pluie. Les nuages couvrent la montagne. Shiva se joue de nous. Nous nous serrons sous les couvertures pour nous tenir chaud, et nous attendons. Heureux d'être là, malgré tout.
A la tombée de la nuit, le ciel se découvre, les nuages cèdent leur place à la lune et aux étoiles. Nous y croyons à peine. Shiva a exaucé notre vœu !
Quand le rêve se transforme en réalité
ABC : Annapurna Base Camp.
Récompense suprême : se trouver au pied de ces monstres de pierre au port altier et gracieux à la fois, qui dominent le monde, et contempler le lever de soleil sur les pics enneigés, à 4000m au-dessus de nos têtes.
Il fait très froid, les doigts commencent à geler, mais on résiste aussi longtemps que possible, tellement le spectacle donné par la nature est beau, grandiose.
Vivre pleinement cette symbiose entre la terre et le ciel, l'harmonie des éléments de la nature, l'éclat des couleurs du levant sur la neige immaculée, le jeu de cache-cache entre les nuages et les sommets qui rendent une atmosphère particulière et unique. Vivre pleinement ce moment car il est court, éphémère. Alléluia !
Encore un peu !
Sur le chemin du retour, car il faut bien redescendre, retrouver encore un peu de cette magie dans les toutes petites fleurs prises dans la glace …
Comme un signe d'au-revoir, pour ne pas qu'on les oublie trop vite, les montagnes, de loin, nous font encore quelques clins d'œil. Le temps a aussi décidé de nous gâter pour la dernière journée.
Au coucher du soleil, les sommets se laissent envelopper tour à tour d'un voile rosé, puis ils accueillent la lune, avant de disparaître dans la nuit.